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Temps de la Septuagésime        

 

LE TEMPS DE LA SEPTUGéSIME 

Le temps le plus dense de l’année chrétienne couvre les cent vingt jours qui vont de la Septuagésime à la fête de la Pentecôte avec son octave. Septuagésime signifie 'soixante-dix' (septante et, Pentecôte signifie 'cinquante'. Le peuple chrétien consacre ce temps au mystère central de la vie, le mystère pascal qui est le passage de la mort à la vraie Vie, celle de la Sainte Trinité. Ce passage, notre Mère, l'Eglise, nous le fait faire par le Christ dans l'Esprit Saint, au cours de neuf semaines de préparation (Septuagésime, Sexagésime, Quinquagésime et Quadragésime ou Carême) et huit semaines de fête (Pentecôte ou Cinquantaine Pascale) : dix-sept dimanches pour la Pâque ! 

Ce temps est donc articulé en deux périodes, les préparations pascales et les festivités pascales, qui précèdent et suivent le Triduum Sacré de la Pâque chrétienne : le Vendredi Saint, le Samedi Saint, la Nuit et le Jour de Pâques, Fête des Fêtes, Solennité des Solennités. 

"Il y à deux temps : l’un, qui s'écoule maintenant dans les tentations et les oppressions de cette vie ; l'autre, qui se passera dans une paix et une joie éternelles. Ces deux temps, nous les célébrons, le premier avant la Pâque, le second après la Pâque. Le temps avant la Pâque exprime les angoisses de la vie présente ; celui que nous célébrons après la Pâque signifie la béatitude que nous goûterons un jour. Voilà pourquoi nous passons le premier de ces temps dans le jeûne et la prière, tandis que le second est consacré aux chants de joie et, pendant sa durée, le jeûne est suspendu". (Saint Augustin) 

Le premier temps évoque l'exil de Babylone et souligne notre propre exil : "Seigneur, écoute avec clémence les prières de ton peuple qui septante sept fois, pleure son exil du paradis et se lamente sur sa captivité: en pays étranger, loin de la Jérusalem céleste. Libère-nous pour la gloire de ton Nom et par ta Résurrection de la mort pleine d'amertume, ô Toi qui vis et règnes aux siècles des siècles" (Collecte de Septuagésime). Le psaume 137 (l'exil à Babylone) ouvre et ferme ces trois semaines de Septuagésime qui nous préparent au Carême. Inconnu en Orient sous cette forme, ce temps liturgique a son origine à Rome, au VIème siècle, époque de restauration liturgique (sous Jean III - 561-574 - évêque de Rome contemporain de saint Germain de Paris) et début des invasions des Lombards, païens et ariens, en Italie. Les chants et prières de ces trois dimanches font écho aux périls physiques et spirituels de cette époque. Le Sacramentaire Gélasien, pour les prières, et le plus ancien Lectionnaire Romain connu, pour les lectures - celles que nous entendons aujourd'hui - attestent l'existence de ces trois dimanches au VIème siècle. Deux siècles plus tard, sous les premiers Carolingiens, l'introduction des livres romains fit entrer ces liturgies dans nos pays de rites gallicans (voir "Le premier cours sur la Liturgie occidentale" de Dom Lambert Bauduin en 1944, à l'Institut Saint-Denys, pour saisir le contexte litur­gique ancien. Revue Présence Orthodoxe, n° 10). Au temps de saint Grégoire le Grand, l'Eglise de Rome célébrait ces dimanches solennellement en trois grandes basiliques cimetériales, Saint-Laurent, Saint-Paul (Collecte de Sexagésime) et Saint-Pierre. Déjà le pape "Jean III avait aimé et restauré les cimetières des saints martyrs" (Liber Pontificalis). Nous avons encore les homélies de saint Grégoire sur les évangiles de ces dimanches. De nos jours, cette liturgie de Septuagésime a disparu du rite romain rénové, si bien que notre petite Eglise Orthodoxe de France est seule à célébrer ces trois admirables dimanches que Rome lui avait transmis autrefois. Gardons-les fidèlement. Célébrons-les. Vivons-les "en esprit et en vérité". 

Saisir l'architecture de ce temps en sa force et sa beauté demande le recours aux textes de l'Office et de la Messe. Ces textes sont édités pour les Vêpres du samedi et les Messes du dimanche auxquelles ces Vêpres initient, dans "Temps des Gésimes", Edition "Présence Orthodoxe" : 

- Septuagésime, 70.: Adam et la Vigne bien-aimée du Père ; 

- Sexagésime, 60 : Noé et les semailles laborieuses du Verbe, dans l'Esprit, pour un monde nouveau  

- Quinquagésime, 50 : Abraham et l'offrande du Fils, la montée à Jérusalem et la vision du Mystère d’Amour. 

SEPTUAGéSIME - DIMANCHE DE LA VIGNE D’ADAM 

"Dieu planta la vigne du genre humain par le modelage d’Adam". Saint-Irénée. 

Ce premier dimanche commence par le Commencement, les trois premiers chapitres de la Bible, dans la Genèse : les Sept Jours de la création, le Germe de la Vigne au Paradis avec l’Arbre de la Connaissance à cultiver en vue du fruit de la Vie, enfin l'épreuve divine déviée par le Serpent et l'exil dans les douleurs de la mort et les ténèbres extérieures (Rite de la honte et de la nudité d'Adam, Introït et Collecte ; Vêpres : psaume 137, psaume ecclésiastique, lectures de la Genèse et répons). 

Ce n'est pas encore le temps du Carême et du combat, mais l'heure est venue de nous connaître nous-mêmes, dans notre condition de pécheurs condamnés à la mort mais invités sur le chemin du retour à l'Arbre de la Vie : diagnostic de nos malades et des remèdes salutaires. Le psaume du jour, dont les versets étaient chantés autrefois en alternance avec l'antienne pour accompagner le rassemblement du peuple avec l'évêque et ses prêtres et diacres, est un psaume de théophanie en vue du combat : Dieu s'y manifeste avec la création entière pour annoncer son secours victorieux à Adam, l'Humain qui est abîmé dans la mort : 

Antienne

"Les douleurs de la mort m'environnent et les tourments de l'enfer m'assiègent.

Dans ma détresse j'invoque le Seigneur et de son Temple Il entend ma voix". 

Choix de versets 

"Je t'aimerai, Seigneur, ma force, Seigneur,

mon rocher, ma citadelle et mon libérateur.

Il Se manifeste d'en haut, Il me saisit

et Il me sauve des eaux innombrables.

Il me fera sortir au large,

Il me délivre, car Il m'aime.

C'est toi qui illumines ma lampe, Seigneur,

mon Dieu, fais resplendir, mes ténèbres.

Car en Toi je bondirai contre l'armée,

en mon Dieu je franchirai le mur.

La parole du Seigneur est passée au feu,

II est le bouclier de ceux qui se blottissent en Lui.

Il exerce mes bras pour le combat.

L'arc d'airain ploie sous mon bras.

Tu me donnes le bouclier de ton salut,

Ta droite me soutient, ton humilité me magnifie !"

Psaume 18, pour la Septuagésime

L'apôtre Paul, dans l'épître du jour (1 Corinthiens, 9, 24 à 10, 4), nous propose le but du combat et nous offre l'exemple de nos pères et les remèdes (repris dans la préface aux fidèles). Nous sommes sur la piste d'un stade, sur le chemin de l'Exode qui nous mènera de l'exil vers la couronne incorruptible de la Résurrection, à tra­vers le désert du Carême. Nos pères sont les fils d'Israël, guidés par la nuée de l'Esprit, traversant la mer, nourris de la manne et désaltérés à l'eau vive ruisselant du Rocher : archétypes et germes des remèdes donnés par l'Eglise, le Baptême dans l'eau et l'Esprit, le Sceau de l'Esprit, l'Eucharistie nourriture et boisson données par le Christ notre Rocher (voir I Cor. 12, 13), C'est déjà l'annonce de l'entraînement ascétique et mystique du Carême (jeûne et prière) et des Sacrements de l'Initiation Pascale. Levons les yeux vers Pâques et envisageons la manière précise dont nous marcherons et lutterons personnellement durant le grand renouvellement communautaire du Carême. 

Commenté par la Grande Antienne et la Préface Eucharistique (de saint Grégoire de Rome), l'Evangile est le cœur de ce dimanche : c'est l'invitation à la Vigne du Seigneur, grâce à l'Arbre de la Croix (Matthieu, 20, 1-16). L'Alléluia annonce cet Evangile par un verset du psaume 137 : 

"Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite soit frappée d'impuissance !" 

Modelés au sixième jour selon l'Image et pour la Ressemblance de Dieu, nous avons perdu notre vêtement de lumière et l'accès à l'Arbre de la Vie. Nous sommes une vigne exilée, ravagée, mais bien aimée du Père. Il espère de nous un fruit, le vin fort et généreux des noces. Et dans ce long jour ténébreux où nous sommes plongés, Il nous invite "par douze étapes, douze temps, douze heures… dans son Royaume, loin de l'amertume de la mort, dans l'harmonie de la Vie en Lui, avec les Anges, Archanges et Principautés, les Seigneuries, Puissances et Libertés, les Trônes, les Chérubins et les Séraphins flamboyants" (Préface). Ces douze heures sont marquées au long de la Bible et de I'Evangile. 

"La Vigne du Seigneur est l'Eglise Universelle qui a poussé autant de sarments qu'elle a porté de saints, depuis Abel le Juste jusqu'au dernier des élus qui naîtra dans la fin du monde" (Homélie de saint Grégoire) : 

- la première heure du matin est celle de Noé le vigneron qui commence d'alléger l'exil terrestre par le repos signifié par son nom et par la consolation donnée par le vin, 

- les ouvriers de la troisième, heure sont les patriarches et leurs familles, 

- ceux de la sixième heure, les rois avec David le bien-aimé, 

- et ceux de la neuvième heure sont les prophètes d'Israël en exil qui ont si bien chanté la vigne, son travail et les promesses du fruit (Isaïe, 5, 1-7 et 27, 2-6), 

- les ouvriers de la onzième heure sont les disciples de Jésus-Christ,  les tard venus de Galilée et des Nations. 

Tous, selon des appels (vocations) et des travaux (missions) différents, nous sommes invités gratuitement. Le salaire ou le fruit est rendu selon la justice du Père dont l'œil et le cœur ne jugent pas selon la justice mathématique et violente des hommes, mais selon la justesse et la gratuité de son amour et de notre libre réponse. Non, nos défauts naturels et nos longues erreurs ne nous détournent pas de Dieu, dès que nous entrons dans sa vigne, la communauté de son Eglise, pour y cultiver notre sarment. Non, nos qualités et notre ancienneté ne nous rapprochent pas de Dieu, mais bien notre réponse vraie et notre communion humble avec les ouvriers de toute heure. "Ton humilité me magnifie, Seigneur !" car c’est ton Fils bien-aimé et ton Esprit vivifiant qui sont descendus vers nous, nous attirant et nous invitant de mille manières, avec une infinie patience, à toutes les heures de notre vie. Ton Fils S'est identifié à notre vigne humaine (Jean, 15) afin que nous puissions porter le fruit qui demeure le raisin de la joie, le vin de l'amitié, dans la coupe de l'Alliance. Et c'est par son Sang versé sur l'Arbre de la Croix qu’Il nous greffe, dans l'Esprit Saint, sur la Vigne Véritable : 

"Ayant planté ta Croix, et Te donnant aux fidèles en nourriture eucharistique, ô Vigne de la Vie éternelle, Tu as détruit la mort, œuvre de la désobéissance ; c'est pourquoi, dans un transport d'allégresse, nous Te chantons    : Alléluia !" (Grande Antienne des Vêpres). 

Le Nouvel Adam, Jésus-Christ, nous met sur le chemin de la gratuité et de l'humilité, ouvrant nos yeux sur la vigne et le travail du Carême, sur la piste et le combat de la Pâque, sur le chemin de la Jérusalem nouvelle. 

"Que chacun examine sa vie, voit s'il commence à être parmi les ouvriers, réfléchisse sur ses actions et prenne. garde à bien cultiver sa vigne. Car ceux qui ne cherchent que leur intérêt n'y travaillent pas ; ceux-là seulement travaillent pour le Seigneur qui pensent à son profit et non au leur propre. Il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus : notre église est toute remplie et tous confessent Jésus-Christ de bouche, mais non par leur vie. Ayant reçu une foi divine, si vos désirs sont ceux de ce monde, vous n'entrez pas dans le Royaume" (Homélie de saint Grégoire). 

- la douzième heure sera celle de la vendange, nouvelles noces de Cana dans le Royaume achevé en la plénitude de ses fruits. 

'"Que Dieu très puissant vienne guider votre marche dans le stade de manière à vous faire saisir le prix de Vie éternelle ! Amen

Qu'il vous revête des armes du jeûne de manière à n'être pas retardés par les œuvres de ce monde Amen !

Et que Celui qui vous appelle à sa vigne et vous envoie de saints ouvriers, vous cultive avec soin par sa grâce et vous donne le denier de la Vie éternelle ! Amen !

(Winchester. 10ème siècle. Bénédictions avant la Communion). 

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Dernière modification : 07 juillet 2007