Accueil Remonter

4ème de Carême        

 

4ème de Carême

Période de libération

Mgr Jean, 1969

          L’apôtre Paul, en prenant pour base l’Ancien Testament, parle allégoriquement de la femme libre et de la femme esclave ; l'Église propose cette épître à la mi-carême parce que le carême est précisément la vraie période de libération. Il écrit son épître aux Galates. On discutait chez les Galates : ils voulaient tout soumettre à la loi et à la lettre. Paul répond : «Vous êtes par la grâce fils de Dieu, vous êtes les enfants libres de la Jérusalem céleste». 

         Nos contemporains parlent beaucoup de liberté et contestent toute autorité. La vraie liberté est d’être libéré des passions et des vices. Celui qui n’est pas libéré des passions et des vices n’est pas libre, c’est un révolté, esclave de sa propre révolte. 

         Considérez donc les périodes de carême comme libération de vos humeurs, de vos mauvaises inclinations, comme libération de la tristesse et des angoisses, comme élan de foi et d’amour par la résignation, la confiance, l’espérance et par cette flamme dans notre cœur, la plongée en Dieu. Que la culture de la confiance en la Providence nous éloigne des soucis. 

         Il m’est arrivé, cette semaine, la petite histoire que voici. Un homme vint m’expliquer qu’il avait un travail instable et transitoire mais spirituellement conforme à lui. Un ami de bonne volonté me déclara qu’il était quand même nécessaire de trouver un travail susceptible de lui assurer l’existence car bientôt il n’aurait plus rien. Quel bon et juste raisonnement : il est préférable d’obtenir une certaine assurance plutôt que de risquer. Et pourtant, en écoutant cet ami sage, je vis que cela ne correspondait point à la pensée divine, car ce travailleur d’un labeur instable devait être aussi disponible pour le royaume de Dieu. Certes, c’était un cas personnel. Et je demandais à Dieu : donne-moi un signe ! Et Dieu me le donna : ce même jour, cet homme trouva ce qui correspondait à sa vocation. Que s’était-il passé ? Doit-on ne pas être raisonnable et ne pas organiser sa vie, n’a-t-on pas des obligations sociales ou familiales ? Il le faut, mais la première préoccupation est d’être disponible pour Dieu. L’ami raisonnable avait oublié la Providence, il n’était plus libre. 

         Dans l’évangile le Christ agit de la même manière. La foule venue librement près de Lui ne s’inquiète ni de pain, ni de nourriture. La marche a été longue. Comment nourrir cinq mille personnes ? Un garçon a cinq pains d’orge et deux poissons, dit-on au Christ. Il fait alors le miracle de la multiplication des pains. Je ne parlerai pas aujourd’hui du sens eucharistique de cette action, je veux la considérer sur un plan immédiat. 

         Cette foule était composée de gens libres, c’est-à-dire ayant oublié toute préoccupation, ne cherchant que la Parole des lèvres du Christ. Elle n’était pas soumise aux événement de ce monde, à tout ce qui nous attire : les doutes, les réclamations... Avec confiance, elle écoutait le Christ parler des heures et des heures, sans penser qu’elle n’avait rien mangé, et ce n’est pas elle qui réclame du pain, c’est le Verbe qui le lui donne. 

         «Cherchez avant tout le royaume de Dieu, le reste vous sera donné par surcroît». 

         La libération n’est pas dans l’abandon des choses dont il faut s’occuper ; être libre réside en des choses très simples : suis-je riche, suis-je pauvre, que Dieu soit loué ! Être libre, c’est n’être pas conditionné, attaché comme avec des chaînes à telle ou telle nécessité, à telle loi, à telle opinion... à notre pauvre opinion de nous-mêmes ; ce sont surtout les passions, l’enchaînement aux objets, aux êtres, à nos désirs, qui nous retiennent. Combien pouvons-nous être malheureux si nos désirs ne se réalisent pas ! Nous ne sommes pas libres mais envahis par eux et prompts à protester. Si notre désir n’est que de faire la volonté de Dieu, de chercher son royaume, de se remettre à Lui et de Lui dire : Seigneur, donne-moi, mais si Tu ne donnes pas, sois béni, alors oui, nous sommes libres. 

         Partout où vous vous enchaînés, libérez-vous par la prière, le jeûne, la lutte intérieure. 

         Aujourd’hui, c’est le dimanche de joie car le dimanche de libération. 

         L’aspect le plus curieux de ce miracle des cinq pains multipliés, c’est qu’il reste douze corbeilles emplies de pain, c’est-à-dire la surabondance, une abondance telle que tous les problèmes économiques sont résolus. Dans cette surabondance, il n’y a plus de peuple affamé. Alors pourquoi Dieu ne fait-il pas de miracle perpétuellement ? Le problème économique n’existerait plus, les difficultés dans ce domaine seraient écartées ? Pourquoi ? Ce serait tellement simple pour Lui. Voyez : Il rendrait grâces, Il bénirait et le monde posséderait en surabondance et, de plus, il y aurait une réserve de douze corbeilles pleines. Cette richesse de l’univers était tellement facile à réaliser pour Lui, Fils de Dieu. Pour quelles raisons n’a-t-il pas accompli ce geste ? Le démon le lui avait proposé au début. 

         Eh bien ! Contemplons la foule, elle a compris, elle savait que cet homme avait le pouvoir de résoudre tout obstacle, même économique. Et voici qu’il était parti lorsqu’elle avait voulu le faire Roi. Pourquoi ? Ah ! Voilà. Il veut être notre Sauveur. Il veut que nous cherchions d’abord et avant tout le royaume de Dieu et, si nous sommes parfois privés de tant d’autres choses, les uns de pain, les autres de tranquillité, les troisièmes de paix intérieure, c’est parce qu’Il veut que nous soyons affamés, et rassasiés par la Parole qui sort de la bouche du Verbe. Ainsi nous libère-t-il de l’installation, ainsi veut-Il que notre regard puisse viser la Jérusalem céleste, notre mère libre.

    Amen !

 

 

Accueil ] Remonter ]

Envoyez un courrier électronique à orthodoxie@wanadoo.frpour toute question ou remarque concernant ce site Web.
Copyright © 1996 - EGLISE ORTHODOXE DE FRANCE
Dernière modification : 07 juillet 2007