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2ème de Carême        

 

2ème dimanche de Carême - (1969)

QUATRE-TEMPS DE PRINTEMPS

Mgr Jean, évêque de Saint-Denis 

            Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen !

         En ce dimanche de pénitence, nous devons plonger notre regard dans nos iniquités, péchés, faiblesses, la trahison de notre vocation ; et pourtant c'est aussi le dimanche de la Lumière incréée, l’évangile de la Transfiguration. Il est normal que ces deux événements qui semblent tellement opposés se rejoignent, car le mystère de la vraie pénitence, de l’humilité, de la conscience de sa propre iniquité et de sa faiblesse ouvre nos yeux à la lumière divine et à une joie incomparable.

         La pénitence est si loin du sentiment du remords ! Quoi de plus lugubre qu'un homme qui se dit : comment, moi, ai-je pu faire cela ? Mais lorsque, devant Dieu, le cœur contrit, il entre dans la pénitence, lorsqu'il descend dans sa faiblesse, lorsqu'il creuse son être profond en descendant dans ses ténèbres, il remonte au Mont Thabor devant la miséricorde de Dieu. Voilà pourquoi je veux m'arrêter avec vous sur la hauteur évangélique.

         Dès que le Christ est descendu du Mont Thabor (c'est la suite de l’évangile qu'on n'a pas lue) qu'a-t-Il trouvé dans la plaine ? Les possédés, l'incrédulité et ensuite, pour montrer sa gloire, Il est obligé de s'écrier : «Race incrédule et perverse, jusques à quand serai-Je avec vous ? Jusques à quand vous supporterai-Je ?» Matthieu 17, 17).

         Ne vous étonnez pas s'il y a deux plans dans l'existence : le plan, comment dirais-je ? de la plaine, des troubles, de l'incrédulité, des épreuves, et le sommet du Mont Thabor où vous pouvez voir et voyez la Lumière divine. Ce n'est que vers la fin des temps, après la deuxième Venue, que le monde sera transfiguré et que nous verrons la Lumière. Permettez-moi alors de parler de cet évangile de Matthieu, complété par les évangiles de Luc et de Marc.

         Le Christ se transfigure devant les apôtres pour bien souligner que sa Passion, son humiliation et sa mort ne sont pas prédéterminées mais qu'Il a choisi librement de s'abaisser pour nous. Son acte est totalement libre, non une conséquence de son humanité. Il voulait montrer aussi par la Transfiguration que le visage de l'homme, du monde, de la culture, est caché, car le vrai visage est en état de transfiguration et d'illumination. C'est la voie sombre du péché qui obscurcit l'humanité.

         Le Christ a choisi justement trois apôtres pour le suivre au Mont Thabor. Tout est triadique dans cet évangile, trois apôtres, trois hommes qui conversent : le Christ, Élie et Moïse, trois du ciel : Père, Fils et l'Esprit sous forme de nuée lumineuse. Trois de la terre, Trois du ciel, trois dans la divinité et une seule et unique lumière qui éclaire tous. Lumière de Dieu. Il emmène ses apôtres pour signifier : voilà comment le monde est en Moi non dans le péché, voilà comment le monde sera, fixez sur lui votre regard, puis partez prêcher ou travailler, mais gardez ce regard intérieur cette assurance du monde transfiguré.

         Comment est le monde transfiguré ?

         Le Christ monta sur une montagne et l'Écriture dit : «Son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière» (Mat. 17, 2). C'était si beau que Pierre en perd presque la raison et veut entretenir cette vision avec des paroles insensées.

         Admirable ! Admirable, parce que ce ne sont pas seulement son visage et son corps qui sont illuminés, éclairés de divinité - c'est-à-dire que Dieu transpercera par sa Lumière la matière, notre corps et l'univers entier ; mais ce qui est plus admirable encore, c'est que même ses habits, tissés par des mains humaines, sont illuminés de divinité ! Alors, tout l’univers, le monde, a un sens : sa beauté qui se cache à notre regard ! Plus que cela : si les habits du Christ, de Moïse et d’Élie, ces deux transfigurés, sont divinisés par la Lumière incréée, alors, toutes les œuvres de l'humanité, toutes ses cultures et notre destin ont un sens sur terre ; que ce soit politique ou la tunique du Christ, car qu'est-ce que l'habit du Christ sinon un tissage, une œuvre de nos doigts comme la nature est l'œuvre de Ses Mains ? Alors, ce que nous avons créé, ce que nous avons vécu dans l'histoire, dans nos civilisations - souvent inutilement - dont on ne comprend pas la signification, a aussi un sens ! Souvent on avance, on progresse, puis on s'aperçoit que ce progrès ne mène à rien... on recommence, on tâtonne, tant de choses faites par l'homme disparaissent dans l'oubli ou le rétrécissement ; mais les habits du Christ pénétrés de Lumière incréée nous montre que ce qui possède une valeur éternelle dans l'œuvre de l’homme est «or et argent» selon les paroles de l'apôtre Paul. Tous nos efforts qui peuvent paraître inutiles seront transfigurés, déifiés, et ceci non seulement en eux-mêmes, mais dans la nature. La transfiguration surmonte même l'absurde. Le Christ nous amène à «voir» qu'à travers l'apparence absurde, dure, extérieure, les profondeurs et réalités de la pensée contiennent le sens de la déification et de la Lumière. Songez que les Apôtres avec leurs yeux physiques, et non spirituels, ont vu la divinité, qu'avec leurs oreilles physiques ils ont entendu la parole du Père : «Celui-ci est mon Fils bien-aimé !». Ce qui est admirable encore est que ce n'est pas advenu par l'esprit, mais en esprit, «et qu'une nuée lumineuse les couvrit» : l'Esprit-Saint tiendra l'humanité comme il tient chacun de nous dans sa miséricorde. Nous ne voyons ni n'entendons tout ce qui est divin. Nous ne distinguons même pas notre pensée, ni les sentiments de l'être humain Nos prunelles sont tellement limitées qu'elles ne discernent pas ce qui est un peu plus loin derrière !

         Admettons cette limite non seulement de nos yeux physiques, mais de notre pensée ! La vacuité de la matière vis-à-vis de ce qui est divin sera illuminé, transfigurée de telle manière que nous verrons Dieu face à face, en esprit et aussi par notre corps lorsqu'il sera devenu immortel, corps vers Dieu.

         Moïse et Élie sont au Mont-Thabor de chaque côté du Christ, quelle consolation !

         Voici Moïse qui avait vu Dieu de dos, lui qui voulait le contempler face à face et ne put y parvenir tant son Image était déjà éclairée, trop lumineuse. C'est Moïse qui conduisit le peuple juif vers la terre promise, c'est Moïse qui fut privé d'entrer dans la terre promise à cause de l'incrédulité, et voici : à la Transfiguration Moïse achève sa course à travers le désert, pour voir le Fils de l'Homme transfiguré en Fils de Divinité, comme dit l’apôtre Paul : «Lui en qui la plénitude de la divinité habite corporellement».

         Et voici : Élie, qui découvrit la trahison de tous les peuples et qui criait : «Je suis resté seul des prophètes du Seigneur», qui, lui aussi, a traversé le désert, cheminé quarante jours pour rencontrer Dieu dans le souffle subtil, non dans la splendeur et la gloire ; le voici au Mont Thabor, contemplant le Fils de Dieu en la plénitude de divinité et de gloire.

         Comprenez-vous cette consolation ? Comprenez-vous que si, dans votre vie vous n'avez pas eu le privilège de toucher la présence divine, pensez à Moïse et à Élie : le privilège viendra simultanément avec le dépassement du temps : Christ, Moïse, Élie, loi et prophètes, tout ceci est réuni en un seul moment. Ici, sur le Mont Thabor, règne une sorte de saisissement, d'anticipation, un avant-goût du monde où nous serons maîtres du temps et non soumis au temps, maîtres de nous, au-delà du passé, du présent et de l'avenir car ils sont présents sur le Mont Thabor.

         Oh ! Mes amis, je m'arrête, je ne veux pas vous fatiguer ; si j'envisage avec vous la transfiguration du Christ, je ne finirai pas de parler encore et encore.

         Pour conclure, avec une immense reconnaissance bénissons Celui qui a dit : «Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis toute ma complaisance», bénissons, dans le Fils notre Père bien-aimé, qui n'a pas hésité à envoyer son Fils parmi nous pour endosser la forme d'esclave et montrer sa Gloire, sa Lumière et, en Lui, nous transfigurer en fils de Dieu. Comme une mère, Il nous a enveloppés de la Nuée lumineuse, Il nous a saisis en Lui pleinement, et pleinement en l'Esprit-Saint.  

Rendons gloire, honneur et adoration au Père, au Fils et au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Amen !

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Dernière modification : 07 juillet 2007