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1er de Carême        

 

1er de Carême

Triomphe de l'Orthodoxie

 

Je fus ordonné le jour du "Triomphe de l'Orthodoxie" ou plutôt je célébrais ma première messe, au jour de la Gloire de l'Orthodoxie, Triomphe de l'Orthodoxie et, simultanément, le Métropolite Éleuthère, de bienheureuse mémoire, chantait la Divine Liturgie en mémoire de Monseigneur Winnaert.

 

Mais je désire présentement parler surtout de l'hérétique opposé à un orthodoxe. Je commence. Quelle est la différence entre l'hérétique et l'orthodoxe ? En écoutant l'épître de Paul, j'ai été tellement saisi par ce texte que si l'Apôtre avait été ici, en chair et en os, j'aurai baisé ses pieds en disant : "Paul, ton épître nous apporte plus que l'or ou que toutes les richesses !". Je veux, mes amis, vous communiquer mon sentiment : voyez combien cette épître décrit admirablement ce que le Christ réunit en une seule béatitude : bienheureux les pauvres, ils posséderont la terre. Nous sommes pauvres et nous possédons tout. Nous sommes méprisés et nous sommes dans la joie. Nous mourons et voici : nous sommes debout, etc.

 

L'admirable de cet état victorieux des chrétiens est que toutes les apparences extérieures, les destinées de l'Église et de chacun de nous, présentent souvent une série de catastrophes. Que de fois dans l'histoire nous a-t-on enterrés ? Combien de fois a-t-on dit de l'Église qu'elle est une maison périmée, en mines ? Qu'est-ce le stade du Chrétien ? Et nous existons, cependant, par la puissance de la douceur.

 

Qu'est-ce donc cette douceur ? La douceur, c'est se moquer de ceux qui nous attaquent dans les épreuves. Pauvreté ? Nous avons la richesse en Dieu; les membres meurtris ? Nous ressusciterons. La douceur est cette forme d'attitude adoptée, par exemple, à Moscou, au moment le plus tragique de la religion, pendant la Révolution; on arrêtait les gens. Comme l'on interrogeait un enfant : pourquoi fais-tu des poupées avec des torchons ? Il expliqua que les poupées représentaient les policiers qui arrêtaient et torturaient et il dit : "Ils jouent, ils sont bêtes, ils nous tuent".

 

Le chrétien se dévoile lorsque tout est perdu, lorsqu'il n'y a plus d'esprit. Il est présent, il sourit comme un fils de Dieu. Par la grâce. Telle est la puissance de cette douceur toujours triomphante qu'elle bannit les inquiétudes. Relisez l'épître, absorbez-la. Prenez, prenez, nous avons tant de choses à prendre, encore et encore dans l'Église. Tant d'idées qui sont nées hors de l'Église, et si on les scrute on reconnaît qu'elles sont toutes prises dans l'Évangile. Prenez, prenez, car nous en avons encore. Paroles victorieuses qui se confondent avec les Béatitudes : "Bienheureux les doux, car ils hériteront la terre". Nous possédons déjà la terre.

 

Prêtez attention, amis ! Vous avez une bicoque, vous n'avez que votre bicoque, vous n'avez rien mais le monde entier vous appartient. Qui vous empêche de respirer l'air qui ne vous appartient pas ? Celui qui donne du pain, qui est-il ? S'il est un vrai mendiant en Christ, il est son serviteur, de même que le riche est le serviteur de Dieu.

 

Renversez les choses : bienheureux les doux, ils sourient avec une certaine moquerie légitime. Que voulez-vous ? Ils sont un peu naïfs... ils s'imaginent être riches. Les riches, eux, sont incapables d'enrichir, ils nous persécutent, nous haïssent, nous les haïssons plus qu'ils ne nous haïssent, puisque nous les aimons et que nous les bénissons. Ramassez sur la tête de vos ennemis les charbons ardents, car il n'y a pas de haine plus efficace que l'amour de l'ennemi.

 

Je reviens au Triomphe de l'Orthodoxie; qu'est un hérétique pour nous orthodoxes ?

 

Qui est l'hérétique ? Il y a l'hérétique, il y a les hérétiques, et l'hérétique d'avant les hérétiques. Mors, qui est cet hérétique ? Satan ! Pourquoi ?

 

L'hérétique est quelqu'un exprimant la demie-vérité. On l'écoute parce qu'il semble dire vrai. Il ment parce qu'il ne dit que la demie-vérité. On ne peut mentir pleinement... Dans la tentation d'Adam et Eue, Satan a toujours dit vrai, et, en même temps faux, car il ne va pas jusqu'au bout.

 

La logique diabolique extorque la plénitude, se saisit de quelque chose, s'en empare et le développe : c'est une fausse logique car elle est partielle. Le succès des hérésies vient de ce qu'elles sont faciles. Elles proposent : l'homme est corps seulement, ou l'homme est seulement esprit, des thèses faciles en découlent facilement, pourtant c'est faux ! Bien qu'étant logiques et salutaires, dans un certain sens, elles mentent, car l'homme n'est pas que corps, l'homme n'est pas qu'esprit. Il est corps et esprit.

 

Saint Grégoire le Théologien disait : "Les juifs sont monothéistes, les païens sont polythéistes, nous, nous sommes et monothéistes et polythéistes, car nous confessons Dieu en Trois Personnes".

 

Nous sommes toujours satisfaits, même avec d'éloquentes solutions partielles, niais n'oublions pas que l'Église a été bâtie par le Christ et remplie du Saint Esprit pour enseigner au monde que l'esprit sectaire est le diable. Voulez-vous être orthodoxe ? Haïssez la "perfection partielle", si l'on peut dire, considérez-vous, au moins, comme une "petite" partie du tout, le Christ Chef de l'Église remplit tout en tous, s'il échappe quelque chose c'est l'hérésie.

 

Avec la Trinité, qu'ont défendu les conciles ?

 

Ils ont affirmé que le Christ est Dieu-Homme. Ils ont défendu l'humanité tout en défendant la divinité. Qui ose dire que le Christ est seulement homme ? - on l'a entendu dans le désert - Satan. Ne vous y trompez pas, là où réside une partialité, là est Satan; là où vit la plénitude, même si d'abord, elle est difficile à accepter, là est l'Esprit.

 

Et le dernier concile que nous fêtons s'est élevé contre les iconoclastes. Les iconoclastes déclaraient et déclarent : Dieu peut parler, se manifester par le verbe et non par l'image. Les iconoclastes acceptaient l'Évangile, ils repoussaient l'icône. Ils acceptaient la voix, ils n'acceptaient pas la vision. Ils acceptaient l'oreille, ils niaient l'oeil. Telles sont leurs limites, l'oeuvre du diable. De plus, en confirmant le culte des icônes, le concile a souligné que chaque icône est l'image de la Proto-image, donnant ainsi le sens à toutes les formes saintes de l'image. Jean Damascène ajoute qu'un véritable iconographe est semblable au prêtre, son oeuvre est semblable au prêtre qui transforme le pain et le vin en Corps et en Sang du Christ, il essaie lui, de transformer le monde imparfait en un monde transfiguré. Jean Damascène nous indique qu'avec le fait de prendre la défense de l'iconographie, l'Église a donné le sens sacré à toute oeuvre.

 

Si vous rencontrez un soi-disant orthodoxe, ou chrétien, ou catholique vous enseignant une doctrine qui limite votre intelligence ou votre cœur, d'avance pensez : c'est un hérétique. L'Église est là et l'Esprit est présent dans l'Église pour que vous receviez un enseignement juste, votre intelligence éclate et votre cœur s'élargit par le sentiment universel.

 

Aimez la plénitude, haïssez les limitations; anathème à tous les sectarismes, hérésies, oeuvres de Satan. Que votre oreille devienne de plus en plus attentive à tout, que votre regard devienne attentif, s'éveille et repousse tout ce qui nous limite et nous ramène au diable. Car l'Église, je le répète, est la plénitude remplissant tout en tous.


PREMIER DIMANCHE DE CAREME - 1957 - Quadragésime.

 

... Je le confesse et je vous l'assure, ceux qui se sentent parfois complètement perdus, tristes intérieurement, peuvent réjouir les autres; ceux qui se croient totalement appauvris de grâce et de dons, qui soupirent intérieurement : ma vie est inutile mais s'ils sont en Christ, ils enrichissent les autres. J'ai connu des âmes venant vers moi en me disant : Mon Père, je suis mort, je n'ai plus de sentiment, ni de foi, ni de croyance, je ne sais où je vais et, ces mêmes gens, s'ils étaient en Christ, donneraient la vie aux autres. De même, quelquefois, sur le chemin spirituel, il nous semble être arrivés au bout, que des murs se dressent devant nous, que nous ignorons vers quoi nous marchons et, tout à coup, soudain nous ressuscitons par la grâce divine. Voyons l'histoire de l'Église si inconnue et pourtant connue, persécutée et pourtant ressuscitant.

 

Le deuxième enseignement que je voudrais vous communiquer en me basant sur l'apôtre Paul est le suivant : Ne faites pas confiance dans la lutte aux sentiments de votre âme, mais opposez quelque chose de positif et confessez l'opposé. Vous êtes triste confessez la joie, vous paraissez mort : confessez que vous êtes vivant dans le Christ, car il vous a donné l'épée de la Parole, la confession contre l'évidence psychique. Dans la désespérance élevez l'épée en chantant : Je suis joyeux en Christ ! Avec l'âme mortellement blessée par l'inquiétude et l'angoisse, saisissez l'épée en main et chantez l'immolatio (introït) : Dans le Christ, "je suis victorieux". Voilà la lutte proposée par saint Paul.

 

Revenons à l'évangile. Jésus, amené par l'Esprit dans le désert, jeûne 40 jours et 40 nuits et ce jeûne est suivi de la tentation du diable vaincue par le Christ. Quand l'Esprit l'a-t-il amené dans le désert ? Quand a-t-il jeûné ? Après le baptême et la manifestation glorieuse de la Trinité, après le témoignage du Père proclamant : "Celui‑ci est Mon Fils bien-aimé", après l'Épiphanie, après la Théophanie.

 

Je reviens maintenant à cet enseignement, touché par le Père Sophronios dans un de ses cours à l'Institut. Il y a pour notre âme un moment de l'appel divin. Dieu nous appelle, Se révèle, Dieu se manifeste d'une manière ou d'une autre, la joie nous submerge, nous sommes transportés, comme ailés. Lorsque cette grâce divine est présente  - elle peut revenir plusieurs fois dans notre vie - à ce moment précis il nous faut commencer la lutte du jeûne, afin qu'elle ne soit pas dispersée. Profitons de cet instant de consolation divine pour ouvrir le combat. Et voilà, nous commençons !

 

Cette lutte se termine dans la tentation, c'est la grâce d'élection. Face à la tentation intérieure du mal, nous nous trouvons seuls, non soutenus, ainsi que dit l'évangile : les anges sont venus servir le Christ après la tentation. Voici, nous sommes seuls devant ces problèmes, ces inquiétudes, ces angoisses, ces péchés qui nous environnent. Il faut batailler, comment résister ? La grâce n'est plus, nos mains sont vides, nous sommes affaiblis, au seuil de l'enfer.

 

Nous avons toujours une force à la portée de notre main, les paroles de l'Écriture Sainte et la confession du Christ. Car à un moment de cette tentation, de cette grâce d'élection, la foi ardente, l'espérance, l'amour se sont échappés; plus rien, les angoisses nous étreignent, l'indifférence et les ténèbres nous prennent, le cœur est vide cependant qu'au contraire le mauvais acquiert une certaine puissance ... N'oubliez pas, n'oubliez jamais que nous avons toujours la confession de Dieu, que nous avons en main l'épée de la parole divine, que la pointe de cette épée est notre salut et si nous continuons le  combat par la confession de notre Sauveur, nous toucherons au terme, le diable nous quittera et les anges viendront nous servir.

 

Toutes les âmes sont menées de telle manière qu'elles peuvent supporter cette épreuve. Dieu ne tente jamais au-dessus de nos forces ! Nous avons l'impression psychique que l'épreuve nous dépasse, mais c'est une illusion. Même ce sentiment de ne pouvoir supporter quoi que ce soit est une illusion. Saisissons et opposons la prière-confession. Je confesse, je crois.

 

Quand nous le dirons, peut-être notre âme ne le croira pas, peut-être que notre cœur ne pourra le confesser, mais notre bouche le peut. Et voyant notre résistance, je le répète, le diable partira.

 

            Notre Seigneur enseigne : Celui qui persévère jusqu'à la fin sera sauvé ! Vous me direz : pourquoi, alors, cette deuxième étape d'élection ? Pourquoi l'âme doit-elle passer de l'état d'appel, de grâce, de joie à une période de jeûne et de tentation ? Pourquoi nous laisse-t-il suivre ce chemin d'enfer, de difficultés, de sécheresse ? Mes amis, parce qu'en cette deuxième étape, plus dure que nous le voulons, notre "moi" meurt, meurt notre âme, pour donner beaucoup de fruits.

 

"Si le grain ne meurt, il restera seul, isolé, mais s'il meurt il sera chargé de fruits".

 

Au long de la quarantaine de notre âme et, grâce à elle, nous nous dépouillons librement de l'homme ancien et nous ressuscitons en Christ. Amen !

 


QUADRAGÉSIME - 1960

 

Le culte des icônes

 

Je vous le rappelle, c'est en 1937, jour de la "Gloire de l'Orthodoxie" que fut célébré l'enterrement de Mgr Irénée Winnaert, de bienheureuse mémoire, appelé au ciel le 5 mars et c'était aussi ma première messe, je venais d'être ordonné prêtre. Voilà pourquoi nous ferons mémoire aujourd'hui de Mgr Louis-Irénée Winnaert, joignant ainsi à sa mémoire celle du bienheureux Patriarche Serge le Grand qui bénit notre Église.

 

Le Mercredi des Cendres, je n'ai pu être parmi vous, devant célébrer dans d'autres paroisses. Je tiens quand même, avant la prédication, à vous demander pardon de mon indignité, de tous mes défauts qui ont pu vous choquer ou vous troubler, de toutes les faiblesses, de tout ce qui est en moi indigne d'un prêtre. De tout mon cœur je demande pardon. Je sais peut être plus que vous la profondeur de mon iniquité, de mon impureté. Mais tout en vous demandant pardon humblement, sincèrement, avec les larmes de mon cœur, parce que je reconnais que je me suis lancé comme un fou dans cette aventure de la prêtrise, n'ayant aucune qualité digne d'elle, car les Chérubins tremblent devant la prêtrise, et nous, prêtres, nous consacrons les Saints Dons, nous baptisons, nous touchons le Corps et le Sang pur du Christ, nous touchons, que dis-je... nous agissons à l'image de Dieu. Seuls les Chérubins et les Anges n'ont pas dépassé le diaconat et nous, nous osons être à l'image du Créateur, en transformant les Dons. Alors, lorsque je me suis jeté dans cette folie, je discerne plus que vous jusqu'à quel point est mon indignité ! C'est pour cela que pour moi et pour tous les prêtres, je demande votre indulgence, votre pardon et vos prières.

 

Mais, je tiens à souligner aujourd'hui que cette indignité ne signifie pas que je vous enseigne quelque chose de non conforme à l'Orthodoxie. Tout ce que j'enseigne ici est la Tradition. Je n'ai jamais osé donner "mon" opinion. Derrière chaque parole est le cœur de l'Église et la Tradition sainte. Vous pouvez être assurés que je n'ai jamais trahi un mot de la divine doctrine de l'Église du Christ. Et même, dans la condescendance et la bonté qui sont propres à mon caractère, j'ai toujours préservé la limite lorsqu'il s'agissait de la Vérité. Vous pouvez être tranquilles ! Je préfèrerais être maltraité, je n'ai jamais trahi, non mes pensées mais les pensées de l'Église. Même ceux qui nous attaquent et m'attaquent sont confondus. Et peut-être que si notre Église traverse des difficultés, c'est parce que dans l'église française Saint-Irénée, la Vérité orthodoxe est brûlante, c'est parce qu'elle ne connaît pas de compromis avec ce monde, ainsi que me disait mon ami le Père Sophronius.

 

Vous avez écouté l'épître, sa correspondance avec la destinée de notre Église est étrange... Quand l'Apôtre dit : "On veut nous condamner à mort et nous vivons... Nous sommes comme des inconnus et pourtant connus...". Relisez cette épître, en rentrant chez vous : vous constaterez combien elle est applicable à notre destin.

 

Chaque année, je parle en ce dimanche de la tentation et, tout à l'heure aussi, en écoutant l'évangile, je fus presque poussé à découvrir d'autres passages, d'autres éléments de la Tentation du Christ, que je n'avais pas encore dévoilés devant vous.

 

Pourtant, j'ai décidé en venant à l'église, de prêcher, malgré tout, sur la Gloire de l'Orthodoxie.

 

Historiquement, cette thèse fut inaugurée lorsque l'Église gagna la bataille contre les iconoclastes et qu'elle proclama la vénération des Saintes Images. Pourquoi l'Église tient-elle fortement à cette vénération des Saintes Images ?

 

Les prophètes n'ont-ils pas souvent parlé contre les idoles ? Les Pères de l'Eglise des premiers siècles n'ont-ils pas détruit des représentations de divinités ? Pourquoi donc l'Église, si spirituelle, l'Épouse de Celui qui dit : "Ton culte sera en vérité et en esprit, non selon la matière...", pourquoi a-t-elle tellement défendu le culte des images ? Pourquoi l'Église a-t-elle multiplié les statues et les icônes de la Vierge, des saints, du Christ et ceci jusqu'à tel point que le VIIème Concile œcuménique conseilla de mettre les images aux carrefours, de placer des icônes à l'entrée de nos maisons... Ici même, dans notre Église, nous avons un atelier d'iconographie qui propage les icônes.

 

Et pourtant ? Des centaines de passages de l'Ecriture Sainte, de l'Ancien Testament et des Prophètes s'indignent du culte des idoles, en criant : Dieu n'est pas en bois ! Dieu n'est pas en pierre ! Dieu est Esprit et à l'Esprit convient le culte en esprit. Pourquoi ?

 

"Le Christ, monté sur la croix a sanctifié la matière". Parce que le Christ au Mont Thabor a transfiguré ses vêtements et son Corps, parce que le Christ est ressuscité en chair !

 

Car le culte des images n'est pas qu'un culte pédagogique : en contemplant l'icône nous ne faisons aucun acte de superstition, nous pensons à Celui qui est représenté. Avec l'incarnation, le Christ a sanctifié la nature.

 

Mes amis, en honorant les images, nous proclamons non seulement nos âmes et la nature transfigurée - comme disait Jean Damascène - mais que la civilisation humaine sera de même transfigurée et éclairée par la Lumière divine. L'image manifeste deux choses : bois et couleurs, mais elle manifeste simultanément l'oeuvre humaine. Elle est l'art sacré, la civilisation mise au service de la Gloire divine. C'est la raison pour laquelle il y eut en Russie, au moment de la Révolution, un grand miracle. Pendant que les églises persécutées se fermaient, les images ternies se renouvelèrent devant les yeux des témoins, montrant que le vrai sang chrétien de la civilisation humaine, de la connaissance de la matière n'existent pas seulement pour être exploitées mais au service de Dieu laissant - je le répète - la lumière divine les glorifier et les spiritualiser. Là réside la grandeur du culte des icônes; les icônes, les images sont porteuses, comme une coupe porte le vin, comme le vin porte le sang, comme le Sang du Christ porte la divinité, comme notre corps porte l'âme et l'âme porte l'Esprit Saint, en elles, de même l'image renferme la puissance et la grâce.

 

Et nous revenons ici à l'évangile de la tentation, c'est à dire que rien n'est vide, que tout est empli, et, si ce n'est pas rempli par la force divine, éclatante, qui crie, nous dirige, nous éclaire, la force du diable prend la place.

 

La moindre parcelle de l'icône est Temple.

 

En s'approchant d'elles, en posant nos lèvres sur elles, en plaçant des cierges devant elles, nous sommes en communion avec l'Esprit Saint qui demeure par Sa force et Son énergie dans les images.

 

Récemment, il y a une semaine, je lus dans un journal des "Jeunesses communistes" que l'on m'avait apporté, le récit suivant : cela se passait dans une soirée dansante, la jeunesse dansait et une jeune femme, ayant pris une icône du Christ pour d'amuser, se mit à danser avec; soudain, elle ne put plus détacher ses pieds du sol, dit ce journal communiste. Affolés, on prit des mesures sans parvenir à rien. On transporte la jeune femme à l'hôpital, en découpant le plancher, car il n'a pas moyen d'enlever ses souliers. Les médecins sont impuissants. On décide d'appeler un prêtre. Le prêtre arrive, prie, la femme détache ses pieds du morceau de bois, elle est libérée. Et le jeune homme qui racontait cette histoire de se demander si l'on doit reconnaître que les images dégagent un certain rayonnement. Je n'ai pas eu la réponse. Que répondra-t-on ? Nous n'en savons rien.

 

Tout être humain a une puissance; l'ombre de l'apôtre Pierre guérit; l'habit touché par une femme a, bien sûr, cette puissance et le Christ s'écrie : "Qui m'a touché ?". Les Apôtres répondent : "La foule !" mais le Christ répond : "Une force est sortie de moi".

 

Ne pensez pas que la force divine soit seulement dans le corps humain. Elle réside aussi dans les objets sacrés, les objets sanctifiés de l'Église et les images ou icônes, en particulier, possèdent cette force divine; on trouve des lieux de pèlerinage, des Vierges miraculeuses dans l'univers entier. Chaque image est miraculeuse car comme le Temple, elle renferme la Puissance divine. Celui qui s'en approche avec foi ressent cette Lumière.

 

En annonçant le culte de l'icône, nous ne faisons nullement acte de superstition, nous n'avons plus peur de la matière, le Verbe S'est fait chair.

 

Nous ne craignons plus comme les antiques qui n'avaient pas encore l'Incarnation, de clamer que la civilisation humaine est notre œuvre, non opposée à Dieu puisque le Christ est venu parmi nous. Cela est vrai ! Celui qui travailla, sans doute, des planches de bois avec son père jusqu'à l'âge de douze ans, Celui qui, comme Créateur a coloré les fleurs, travailla aussi comme homme.

 

On peut dire : le culte des icônes nous présente la plénitude du monde transfiguré. Mais attention, l'Apôtre Paul précise que toutes les œuvres de l'humanité ne supporteront pas le feu purifiant du Saint Esprit. Seules les œuvres humaines qui sont spirituellement en or, en argent et en métal issu de la sanctification seront transfigurées en Dieu. Les œuvres vaines, insensibles à la grâce, mais ouvertes au mal, seront brûlées comme de la paille.

 

Voilà ce qui permet de croire que les icônes, parlant spirituellement, sont les œuvres de Dieu, en or !

 

Amen !


QUADRAGÉSIME - 1962

 

25 ans de prêtrise de Monseigneur Jean

 

Chaque dimanche et si souvent au cours de la semaine, je prêche en cette chaire; aujourd'hui, arrivé à la 25ème année de ma prêtrise, je me sens troublé. Plus les années s'écoulent et plus on sent qu'on n'a rien fait, mais plus on sent son indignité et plus on s'étonne de la grâce divine. En vieillissant, on comprend véritablement les paroles de l'Apôtre Paul : "dans votre infirmité est la puissance de la grâce".

 

Quand un jeune commence son chemin spirituel, il a un verre d'eau et une goutte d'huile de la grâce. Puis, il se sent comme un cierge qui se consume. Il ne compte plus sur ses propres forces et alors la miséricorde divine grandit.

 

Je voudrais en cet anniversaire de mon sacerdoce, chanter celle que le Christ aima, pour laquelle Il a donné son Sang, qu'Il appela "Mon Épouse", pure, sans taches, sans rides. Je voudrais chanter l'Église du Christ.

 

Vous avait participé à la liturgie célébrée en plénitude, car elle est célébrée par l'Archevêque Jean de San-Francisco (Michel Maximovitch), et même avec la présence de l'évêque André qui était parmi nous.

 

Il y a des prêtres, des diacres, il y a des ordinations, des sous-diacres, des acolytes, il y a les fidèles, toute la hiérarchie de l'Église est présente aujourd'hui ! Et non seulement la hiérarchie, mais aussi des prêtres qui gravissent avec tremblement les degrés de l'Ordre.

 

Cette Église est là aujourd'hui ! Discernez-vous la beauté de cette hiérarchie de l'Église ? Je crains que non. J'ai peur que la majorité des gens s'imaginent que la hiérarchie angélique ou celle de l'Église, sont semblables au monde, où celui qui a le plus de dignité a plus de devoirs mais, en premier, plus de pouvoirs et d'honneurs pour lui...

 

Ce qui est remarquable en toi, mon Église du Christ, c'est qu'il n'en est pas ainsi, car ton Époux, ton Créateur t'a dit : "Celui qui est le premier sera le dernier et si vous voulez être maître, soyez comme un serviteur". Oui, les phalanges angéliques, oui, l'Église, tout est hiérarchisé en elle, comme dans le monde, mais à quelles conditions ! Plus on est haut placé et plus on est descendu vers le bas. Plus on est au-dessus, sur le marchepied supérieur de la hiérarchie et plus on est serviteur. Plus on est une petite chose, plus on s'élève et plus on s'abaisse.

 

Contemplait cette Église étrange créée par le Christ, son Époux. Ainsi que disait Grégoire de Nysse : "L'Église est une perpétuelle descente vers le haut".

 

Comment doit et comment peut être cette hiérarchie ? Aussi étrange, aussi inattendue pour le monde extérieur qui se bouscule, afin d'acquérir les pouvoirs spirituels, le pouvoir social, "sa situation", qui poursuit son honneur... dans l'Église, on cherche à l'opposé d'être plutôt humilié qu'honoré.

 

Que se passe-t-il dans cette curieuse société arrivée sur terre ? Il se passe qu'elle a été créée par Dieu-Homme, et que Dieu est descendance perpétuelle.

 

Dieu descend, prend la forme d'esclave, Il descend jusqu'à la mort, devient notre serviteur, lave nos pieds, descend dans l'enfer, descend jusqu'au bas de l'échelle de la hiérarchie des êtres pour les remonter.

 

Éblouis par cet Amour condescendant, éblouis par cet Amour ineffable de Dieu qui donne Son Fils comme nourriture, Son Esprit comme notre vie, qui s'est anéanti pour que nous existions et soyons sauvés et déifiés, les prêtres de l'Eglise, la hiérarchie de l'Église, éblouis par cet Amour ineffable de Dieu, écrasés par cette lumière, agissent comme Christ. Plus le hiérarque est élevé et plus il s'abaisse. La plus grande joie du pasteur dans l'Église est de servir de marchepied nécessaire à l'élévation de vous tous et de chacun de vous. Chaque pasteur désire s'anéantir pour Dieu, être oublié, afin que ses enfants qu'il a engendrés en Christ, grandissent. L'évêque se réjouit de ses fidèles, le prêtre se réjouit de ses fidèles, tous dans la hiérarchie de l'Église, disent avec Jean : "Qu'il grandisse ! A moi de les faire venir vers Lui !".

 

De cet abaissement, du désir de servir et de devenir la matière de laquelle vous monterez vers le ciel, même si cette belle Église est rachetée par le Sang du Christ, son Amour sans fin de Lui, du Père et de l'Esprit pour l'homme, elle recèle aussi la succession apostolique qui l'entretient à travers les siècles, sans jamais la détruire et lui confère l'attitude de l'Église vis à vis du monde.

 

L'Église a tous les pouvoirs, demain, elle peut tout arrêter ! Savez-vous que les évêques, que les prêtres, les successeurs apostoliques ont tous les pouvoirs du Christ, comme s'Il avait dit : "Je vous donne toutes les paroisses que J'ai reçues !".

 

Emploient-ils leurs pouvoirs ? Non ! Ils préfèrent être martyrisés, maltraités, plutôt que d'appliquer leurs pouvoirs. Le Christ pouvait se défendre, Il ne S'est pas défendu.

 

Voilà pourquoi, au long de deux mille ans, l'Église du Christ, la plus belle que Dieu choisit comme épouse, inspirée par son Maître et son Époux, ne se sert pas de ses droits puissants et préférera traîner comme une martyre, maltraitée, méprisée, incomprise, pauvre, bien qu'enrichissant le monde.

 

Car si vous considérez le monde, que de choses n'a-t-il pas reçues de cette Église si souvent repoussée. Si le monde est riche, c'est parce que les moines étaient pauvres. Si le monde cherche la paix, c'est parce que les martyrs sont morts pour la paix; s'il y a encore de la charité dans le monde, c'est parce que l'Église s'anéantit dans sa propre charité pour le monde.

 

Oh ! Belle Église, unique Église, née dans l'abnégation et l'humilité, tu es plus belle que toutes les civilisations. Toujours rajeunissant, sans rides et sans taches, c'est en toi et par toi que viendront le Royaume de Dieu, les cieux nouveaux et la terre nouvelle.

 

Et lorsque les temps seront accomplis, quand l'univers achèvera son cheminement, alors auront lieu des Noces entre toi Église et le Christ, et en toi, entre le monde et Dieu, mais le monde qui aime et qui s'humilie.

 

Amen !

 

PREMIER DIMANCHE DE CAREME

 ... Je le confesse et je vous l'assure, ceux qui se sentent parfois complètement perdus, tristes intérieurement, peuvent réjouir les autres; ceux qui se croient totalement appauvris de grâce et de dons, qui soupirent intérieurement : ma vie est inutile mais s'ils sont en Christ, ils enrichissent les autres. J'ai connu des âmes venant vers moi en me disant : Mon Père, je suis mort, je n'ai plus de sentiment, ni de foi, ni de croyance, je ne sais où je vais et, ces mêmes gens, s'ils étaient en Christ, donneraient la vie aux autres. De même, quelquefois, sur le chemin spirituel, il nous semble être arrivés au bout, que des murs se dressent devant nous, que nous ignorons vers quoi nous marchons et, tout à coup, soudain nous ressuscitons par la grâce divine. Voyons l'histoire de l'Église si inconnue et pourtant connue, persécutée et pourtant ressuscitant. 

Le deuxième enseignement que je voudrais vous communiquer en me basant sur l'apôtre Paul est le suivant : Ne faites pas confiance dans la lutte aux sentiments de votre âme, mais opposez quelque chose de positif et confessez l'opposé. Vous êtes triste confessez la joie, vous paraissez mort : confessez que vous êtes vivant dans le Christ, car il vous a donné l'épée de la Parole, la confession contre l'évidence psychique. Dans la désespérance élevez l'épée en chantant : Je suis joyeux en Christ ! Avec l'âme mortellement blessée par l'inquiétude et l'angoisse, saisissez l'épée en main et chantez l'immolatio (introït) : Dans le Christ, "je suis victorieux". Voilà la lutte proposée par saint Paul. 

Revenons à l'évangile. Jésus, amené par l'Esprit dans le désert, jeûne 40 jours et 40 nuits et ce jeûne est suivi de la tentation du diable vaincue par le Christ. Quand l'Esprit l'a-t-il amené dans le désert ? Quand a-t-il jeûné ? Après le baptême et la manifestation glorieuse de la Trinité, après le témoignage du Père proclamant : "Celui‑ci est Mon Fils bien-aimé", après l'Épiphanie, après la Théophanie. 

Je reviens maintenant à cet enseignement, touché par le Père Sophronios dans un de ses cours à l'Institut. Il y a pour notre âme un moment de l'appel divin. Dieu nous appelle, Se révèle, Dieu se manifeste d'une manière ou d'une autre, la joie nous submerge, nous sommes transportés, comme ailés. Lorsque cette grâce divine est présente  - elle peut revenir plusieurs fois dans notre vie - à ce moment précis il nous faut commencer la lutte du jeûne, afin qu'elle ne soit pas dispersée. Profitons de cet instant de consolation divine pour ouvrir le combat. Et voilà, nous commençons ! 

Cette lutte se termine dans la tentation, c'est la grâce d'élection. Face à la tentation intérieure du mal, nous nous trouvons seuls, non soutenus, ainsi que dit l'évangile : les anges sont venus servir le Christ après la tentation. Voici, nous sommes seuls devant ces problèmes, ces inquiétudes, ces angoisses, ces péchés qui nous environnent. Il faut batailler, comment résister ? La grâce n'est plus, nos mains sont vides, nous sommes affaiblis, au seuil de l'enfer. 

Nous avons toujours une force à la portée de notre main, les paroles de l'Écriture Sainte et la confession du Christ. Car à un moment de cette tentation, de cette grâce d'élection, la foi ardente, l'espérance, l'amour se sont échappés; plus rien, les angoisses nous étreignent, l'indifférence et les ténèbres nous prennent, le cœur est vide cependant qu'au contraire le mauvais acquiert une certaine puissance ... N'oubliez pas, n'oubliez jamais que nous avons toujours la confession de Dieu, que nous avons en main l'épée de la parole divine, que la pointe de cette épée est notre salut et si nous continuons le  combat par la confession de notre Sauveur, nous toucherons au terme, le diable nous quittera et les anges viendront nous servir. 

Toutes les âmes sont menées de telle manière qu'elles peuvent supporter cette épreuve. Dieu ne tente jamais au-dessus de nos forces ! Nous avons l'impression psychique que l'épreuve nous dépasse, mais c'est une illusion. Même ce sentiment de ne pouvoir supporter quoi que ce soit est une illusion. Saisissons et opposons la prière-confession. Je confesse, je crois. 

Quand nous le dirons, peut-être notre âme ne le croira pas, peut-être que notre cœur ne pourra le confesser, mais notre bouche le peut. Et voyant notre résistance, je le répète, le diable partira. 

            Notre Seigneur enseigne : Celui qui persévère jusqu'à la fin sera sauvé ! Vous me direz : pourquoi, alors, cette deuxième étape d'élection ? Pourquoi l'âme doit-elle passer de l'état d'appel, de grâce, de joie à une période de jeûne et de tentation ? Pourquoi nous laisse-t-il suivre ce chemin d'enfer, de difficultés, de sécheresse ? Mes amis, parce qu'en cette deuxième étape, plus dure que nous le voulons, notre "moi" meurt, meurt notre âme, pour donner beaucoup de fruits. 

"Si le grain ne meurt, il restera seul, isolé, mais s'il meurt il sera chargé de fruits". 

Au long de la quarantaine de notre âme et, grâce à elle, nous nous dépouillons librement de l'homme ancien et nous ressuscitons en Christ. Amen !

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Dernière modification : 07 juillet 2007